Préambule


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Ce modeste blog n'a d'autre ambition que de nourrir notre réflexion sur les changements que nous allons devoir apporter à notre modèle économique et social afin de garantir notre bien-être collectif et celui des générations à venir. Pour en savoir davantage, rendez-vous à la rubrique "Pourquoi ce blog ?". Enfin, pour vous permettre d'aller à l'essentiel, je vous invite à consulter la rubrique "Bien utiliser ce blog".

Les obstacles

Voici reproduit ci-dessous l'excellent éditorial du Hors-série n°83 d'Alternatives Economiques. Tout y est ! Les principales pistes de solutions et les obstacles pour y parvenir...


Une économie durable ? Ce n'est pas gagné...

L'économie peut-elle devenir durable? On en est très loin pour l'instant, et notre capacité à y parvenir avant que l'humanité se soit fracassée sur les conséquences des désastres écologiques qu'elle a suscités paraît bien incertaine.

Article extrait du hors-série l'Economie durable qui vient de paraître (voir le sommaire)
  • L'état des lieux des principaux fléaux qui nous menacent : changement climatique, productivisme agricole, pénurie d'eau, ressources halieutiques, déforestation, biodiversité, produits toxiques…
  • Les outils pour marier économie et écologie : villes, énergie, transports, agriculture, modes de vie…
  • Les enjeux de l'après Copenhague : nouveaux modes de production, gouvernance mondiale, nourrir le monde en 2050, bien-être sans croissance…



L'économie peut-elle devenir durable? On en est très loin pour l'instant, et notre capacité à y parvenir avant que l'humanité se soit fracassée sur les conséquences des désastres écologiques qu'elle a suscités paraît bien incertaine. Cela tient moins à la difficulté technique de la chose, bien réelle, qu'aux obstacles sociopolitiques qui s'opposent à toute réorientation rapide et massive de nos modes de production et de consommation. Car les actions à mener ont à la fois un coût élevé et un impact très fort sur la distribution des richesses et des positions sociales. De quoi heurter de puissants intérêts et remettre en cause bien des positions acquises. Dit autrement, réduire les inégalités du monde et de nos sociétés est à la fois une condition pour engager les réorientations nécessaires et, en même temps, une condition pour obtenir des résultats à la hauteur de l'enjeu.

Des outils à disposition

Les périls écologiques qui se sont accumulés depuis les débuts de l'ère industrielle sont colossaux. Dans le contexte de la conférence de Copenhague, il est beaucoup question actuellement du changement climatique et des moyens de le limiter. Et c'est bien normal: il s'agit incontestablement d'une des menaces à la fois les plus lourdes de conséquences et les plus difficiles à combattre, car pour être efficace, la lutte doit absolument être mondiale. Mais le climat est malheureusement très loin d'être le seul problème: les pénuries d'eau douce, la dégradation des sols, les pertes de biodiversité, l'accumulation des déchets toxiques dans notre environnement et dans les chaînes alimentaires…, nous n'avons que l'embarras du choix, alors même que la croissance de la population mondiale, bien qu'en net ralentissement, devrait se poursuivre encore jusqu'au milieu du siècle. Sauf guerre ou catastrophe sanitaire, pas totalement improbables dans le contexte actuel.

Pourtant on sait, dans une grande mesure, ce qu'il faudrait faire. Tout d'abord réduire rapidement et massivement l'usage des combustibles fossiles et des matières premières non renouvelables. Production d'énergie, transports, isolation des bâtiments…, on maîtrise déjà de nombreuses techniques pour y parvenir. Il y a une quinzaine d'années déjà, un rapport du Club de Rome intitulé "Facteur 4" dénombrait toutes les technologies qui permettraient de diviser par quatre les consommations tout en offrant les mêmes services au final. Et encore, un de ses auteurs, Amory Lovins, du Rocky Mountain Institute, aux Etats-Unis, expliquait-il qu'à l'origine ce rapport devait s'appeler "Facteur 10", mais qu'il avait été décidé de n'afficher "que" Facteur 4 pour ne pas effaroucher les incrédules… On sait également que si l'on consacrait à ces questions un effort de recherche et développement majeur, au détriment par exemple de celui consacré aux armes de destruction massives, nous serions en mesure d'élargir rapidement le champ des possibles.

Au-delà des technologies proprement dites, on sait aussi dans quelle direction il faudrait réorienter le système productif et les modes de consommation. Il faut emprunter la voie de ce qu'on appelle "l'écologie industrielle" ou encore "l'économie circulaire": comme c'est le cas dans la nature, les processus de production que nous organisons ne doivent plus produire de déchets, mais des sous-produits réutilisés dans d'autres processus de production. L'idée est simple et très ancienne, mais elle demeure plus facile à énoncer qu'à mettre en oeuvre. Notamment parce que c'est une mutation très coûteuse en "coûts de transaction", comme disent les économistes: pour que quelqu'un puisse utiliser le souffre récupéré dans les cheminées d'une usine, encore faut-il lui faire savoir que ce souffre existe, en négocier le prix, les délais de livraison, etc.

Il nous faut aussi aller vers une "économie de fonctionnalité": on gaspille beaucoup aujourd'hui, parce que les producteurs ont intérêt à nous faire acquérir des biens peu durables et à nous amener à en racheter de nouveaux le plus rapidement possible. S'ils nous louaient des services, au lieu de nous vendre des biens, ils auraient intérêt à utiliser des produits durables, économes en énergie et facilement réparables pour rentabiliser leurs services. Mais là aussi, le passage d'un système à l'autre ne manquerait pas de bousculer tant la structure de l'offre que les habitudes de consommation. Il suffit pour s'en persuader de constater les difficultés rencontrées par les systèmes de mise à disposition de voitures en libre-service qu'on essaie de développer aujourd'hui, comme Autolib à Paris.

On sait enfin quels outils de politiques publiques il faut mettre en oeuvre pour amener les acteurs économiques, industriels, consommateurs à modifier leurs comportements. Et cela sans nécessairement renoncer aux nombreux avantages qu'offre une économie de marché en matière de décentralisation et de liberté individuelle tant au niveau des offreurs que des consommateurs. Avec les interdiction, les labels, les normes, les taxes, les permis d'émission…, les Etats disposent en effet de toute une panoplie d'outils, désormais bien maîtrisés, pour réorienter l'économie.

Les inégalités en cause

Si le problème n'est pas vraiment du côté de la technique, ni même de la structure du système économique, où se situe-t-il? Cela fait plus de vingt ans maintenant que nous savons que le mur écologique se rapproche à grande vitesse. Pourquoi donc restons-nous comme paralysés, incapables d'engager les transformations manifestement nécessaires? C'est parce que, comme souvent, la question la plus compliquée à résoudre est celle des relations entre les êtres humains eux-mêmes. Dans un contexte démocratique, les dirigeant(e)s politiques ont besoin d'être réélu(e)s tous les quatre ou cinq ans. Or, la plupart des mesures à prendre pour faire face aux déséquilibres écologiques ont un caractère d'investissement: elles sont coûteuses à court terme, empêchant d'autres dépenses publiques ou amputant les ressources des citoyens, et ne "rapportent" qu'à long terme, si dans deux ou trois générations nous avons réussi à éviter la catastrophe écologique.

Résultat: les hommes et les femmes politiques, même lorsqu'ils sont convaincus de l'enjeu, ont beaucoup de mal à faire adopter les mesures nécessaires: il se trouve toujours un(e) adversaire politique pour surfer sur le mécontentement que suscitent inévitablement les mesures proposées. Malgré le Grenelle de l'environnement et le consensus bipartisan qui semblait se dessiner autour de ses enjeux, on vient d'en avoir encore un bon exemple en France avec la tempête politique qu'a soulevée le projet de taxe carbone, malgré son montant peu élevé! Cette difficulté intrinsèque à la politique démocratique est évidemment démultipliée à l'échelle internationale par l'absence de gouvernance mondiale et la prime que cela donne aux comportements de passagers clandestins: sur ces problèmes qui respectent rarement les frontières des Etats, on peut souvent être gagnant si les autres font le boulot, sans que soi-même on participe à l'effort collectif.

Mais ce qui rend rédhibitoire ces difficultés de technique politique, ce sont les inégalités fantastiques qui existent au sein de chaque société, et encore plus à l'échelle mondiale. Les coûteuses mesures à prendre ont en général pour effet de menacer davantage, en termes relatifs, les revenus des plus pauvres, au sein de chaque société comme à l'échelle mondiale. Pourtant, au niveau de chaque société, ce sont incontestablement les plus riches qui gaspillent le plus. Pour ne rien arranger, leur consommation ostentatoire alimente aussi la dynamique du gaspillage des autres. De même à l'échelle mondiale, les pays les plus riches portent la plus grande responsabilité dans l'état - déplorable - de la planète du fait des dégâts causés par deux siècles de développement non maîtrisé.

Autrement dit, la problématique écologique n'a de solution que dans le cadre d'une vaste politique de redistribution des richesses au sein de chaque société comme à l'échelle mondiale. Mais l'histoire montre que les nantis n'acceptent jamais de voir leur position remise en cause de leur plein gré.

En attendant Pearl Harbour

Parviendrons-nous à surmonter ces obstacles - humains - à temps? Ce n'est pas sûr. Mais pour conclure sur une note un peu optimiste, reprenons l'analogie qu'utilise Lester Brown, l'un des pionniers de l'écologie aux Etats-Unis. Pour lui, la période actuelle rappelle les discussions longues et difficiles qu'avaient eues les Américains avant d'entrer dans la Seconde Guerre mondiale. Et cela pour des raisons parfaitement compréhensibles, quand on mesure le sacrifice consenti par la suite… Et puis il y eut Pearl Harbour. Tout en restant une démocratie, le pays s'est alors entièrement mobilisé pour l'effort de guerre: pas une seule automobile individuelle n'a été construite pendant quatre ans. La période actuelle n'est donc peut-être que la longue - et frustrante - période de maturation inévitable pour dégager les bases d'un consensus acceptable afin de répartir l'effort nécessaire tant au sein des sociétés qu'à l'échelle mondiale. Si c'est le cas, il reste juste à espérer que le Pearl Harbour écologique qui nous décidera (enfin) à agir ne sera pas trop dramatique…

Ils ont dit

Jean-Baptiste Say "Les richesses naturelles sont inépuisables, car sans cela, nous ne les obtiendrions pas gratuitement. Ne pouvant être ni multipliées ni épuisées, elles ne sont pas l'objet des sciences économiques."
Chateaubriand "Les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent."
Gandhi "Le monde contient bien assez pour les besoins de chacun, mais pas assez pour la cupidité de tous."
Anatole France "Il est dans la nature humaine de penser sagement et d'agir d'une façon absurde."
Albert Camus "Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l'utilisation intelligente des conquêtes scientifiques."
Dennis L. Meadows "L'humanité a perdu trente ans. Si nous avions commencé dans les années 1970 à construire des alternatives à la croissance matérielle, nous pourrions regarder l'avenir de façon plus détendue."
Herman Daly "La main invisible d'Adam Smith s'est transformée en pied invisible dont les coups détruisent la nature et la société en morceaux."
Michel Serres "Si on fait le pari d'être écologiquement imprudent et si l'avenir nous donne raison, on ne gagne rien sauf le pari et on perd tout si le pari est perdu; si on fait le pari d'être prudent et si on perd le pari, on ne perd rien et si on gagne le pari, on gagne tout."
Larry Summers "Les pays sous-peuplés d'Afrique sont largement sous-pollués. La qualité de l'air y est d'un niveau inutilement élevé par rapport à Los Angeles ou Mexico (…). Il faut encourager une migration plus importante des industries polluantes vers les pays les moins avancés."

Guillaume Duval 
Alternatives Economiques Hors-série n° 083 - décembre 2009